Pour toutes ces années où je ne t’ai pas écouté, et où j’ai essayé de te faire plier, rentrer dans des cases. Toutes ces années où je t’ai jugé, et où tu n’étais jamais assez bien.
Les premiers souvenirs que j’ai à ton sujet sont des souvenirs de honte.
Honte d’avoir eu beaucoup de poils sur les bras et sur les jambes, au point que d’autres enfants se moquent en m’appelant « le chien ». Honte d’être si maigre (« toi si tu perds encore du poids, on t’enlève une côte ! »). D’avoir « déjà des boutons », puis des lunettes. La panoplie parfaite !
Et ce jeu de mes copines de primaire, qui aimaient établir le classement entre nous, de la moins belle à la plus belle. J’étais toujours la dernière. J’en suis venue à le croire. Persuadée que « je n’étais pas belle » et donc (il n’y a pas forcément de logique à ça mais c’est ainsi que je le percevais) pas aimable.
Pardonne-moi mon corps, d’avoir essayé de te déguiser par tous les moyens, à l’adolescence. J’ai essayé de porter des vêtements « féminins », des bijoux, du vernis à ongles, des talons. Ça n’était pas moi.
Moi qui ai toujours aimé grimper dans les arbres, être à l’aise dans mes vêtements, qui n’ai jamais supporté que ça serre, que ça gratte, au point d’enlever toutes les étiquettes, jusqu’à aujourd’hui !
Je t’ai imposé des petites jupes serrées dans lesquelles ton ventre était comprimé, des petits chemisiers qui te grattaient dans le dos et avec lesquels tu ne pouvais même pas lever les bras librement, des talons avec lesquels tu étais incapable de courir après le bus, et qui te donnaient d’atroces douleurs à l’avant du pied dès que tu marchais plus d’une heure.
Je t’ai aussi imposé un rythme difficile à suivre, tu étais tellement fatigué ! Mais je ne voulais rien savoir. J’avais des projets, des objectifs. Tu n’avais qu’à suivre !
Je n’ai pas écouté tes messages, je n’ai pas appris à accueillir les émotions qui te traversaient et qui m’ont amenée à me sentir vide pendant si longtemps. Pour remplir ce vide, je te remplissais de nourriture, sans pouvoir m’arrêter. « La chance », ça ne se voyait même pas, car tu ne stockais rien. Pourtant, je sentais bien que tu le payais cher, tellement rempli que tu étais incapable de t’endormir et de digérer, je me réveillais le matin comme si n’avais pas dormi.
Pendant longtemps, j’ai cru que tu me mettais des bâtons dans les roues ! J’ai cru que tu ne comprenais rien, et qu’il fallait te contraindre. J’ai essayé le rapport de force, mais j’ai perdu.
J’ai fini par comprendre que toi, et moi, c’est pareil. Qu’il ne peut pas y avoir de gagnant, sous la contrainte.
Mais j’ai vu aussi qu’on pouvait gagner tous les deux, qu’on pouvait avancer main dans la main. J’ai appris à décoder tes messages, et à découvrir que tu cherchais vraiment le mieux pour moi, pour nous. J’ai appris à accueillir ce qui te traversait, et à en prendre soin. J’ai appris à t’habiter réellement, à être pleinement présente en toi, et tu m’as offert le cadeau de me reconnecter avec mon être profond, et ma guidance intérieure.
Aujourd’hui, je te respecte comme un espace sacré. Et je fais le vœu de permettre à d’autres de vivre la même expérience.
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